Comment sortir du triangle de Karpman en formation ?

Comment sortir du triangle de Karpman en formation ?

Je tiens à vous parler du triangle de Karpman, ce mécanisme psychologique théorisé et mis en lumière par le docteur en psychiatrie Stephen Karpman en 1968 car il peut littéralement vous pourrir l’existence dans vos formations.

C’est d’autant plus important de le comprendre et de savoir en sortir (ou ne pas y rentrer) lorsqu’on occupe un poste de formateur.

En effet, les gens attendent un certain nombre de choses de votre part et adoptent de ce fait (parfois et pas tous, heureusement !) ce type de comportements.

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Définition du triangle de Karpman :

Ce triangle permet de déceler une mécommunication ou une manipulation latente d’une personne sur une autre

Tout le monde peut, à un moment de sa vie, participer à ce jeu psychologique tout à fait inconsciemment en “jouant” alternativement les trois rôles de ce mécanisme mental. Ce semblant d’équilibre triangulaire se retrouve dans certains contes (dramatiques) pour enfants, qui utilisent ce schéma pour renforcer l’héroïsme du sauveur à l’instar de Blanche-neige (victime), sa méchante belle-mère (persécuteur) et le prince charmant (sauveur). Un modèle qui se reproduit dans le conte du Petit Chaperon Rouge ou dans Cendrillon.

Pour bien le comprendre je vous laisse regarder cette vidéo drôle et pourtant très pertinente intitulée « Le Pouvoir ». Axel Lattuada nous y explique que la plupart d’entre nous sommes enfermés dans le triangle dramatique de Karpman !

Regardez bien la vidéo, il y a même un petit clin d’œil (positif) aux nains de blanche neige (ceux qui suivent comprendront :))

Triangle dramatique de Karpman : trois rôles complémentaires :

Comme le résume parfaitement Christel Petitcollin dans son livre « Victime, bourreau ou sauveur : comment sortir du piège ? » le triangle de Karpman s’articule autour de trois “rôles” : la victime, le bourreau (persécuteur) et le sauveur.

• La victime apitoie, attire, énerve, excite. La victime se positionne « sous » les autres. Elle s’apitoie, vit dans la négativité et surtout elle cherche un Sauveur et/ou un Persécuteur pour se conforter dans ce rôle.

• Le bourreau/persécuteur attaque, brime, humilie, donne des ordres et provoque la rancune. Il considère la victime comme inférieure. Sauf qu’il a besoin d’une victime pour exister !

• Le sauveur qui se positionne au-dessus de la victime et lui propose son aide, sans pour autant vouloir qu’elle s’en sorte (souvent inconsciemment), sinon il perdrait son rôle. Il étouffe la victime. Il apporte bien souvent une aide inefficace et crée la passivité par l’assistanat. Certains sauveurs vont même jusqu’à créer des victimes et des persécuteurs ! Exemple : « tu sais, je ne devrais pas te dire ça mais comme je tiens à toi, il faut que je te dise que Jacques a dit quelque chose de mal sur toi l’autre jour… » et blablabla.

Vous avez compris qu’il faut d’abord identifier son rôle dominant pour utiliser les outils adéquats pour s’en sortir. Je sais, ce n’est pas très drôle, d’autant qu’il n’y a pas un rôle vraiment plus glorieux que les autres ! Je sais, je sais, que cela peut vous sembler un peu persécuteur, mais ma tendance à moi, c’est d’être sauveur… pas facile !

Les personnes tendance « Victime » :

Quand on découvre le triangle dramatique de Karpman pour la première fois, on peut se demander quel intérêt la victime trouve à se sentir persécutée…

Parmi les réponses à cette question, il y a celles-ci :

  • La personne qui tient le rôle de victime attire l’attention sur elle, et en particulier l’attention du sauveur…
  • Elle se dit que comme elle est une victime, elle peut se plaindre. Ce qui fait du bien… C’est le cas du comportement Atchoum que je décrirai dans un prochain article. En formation, c’est la personne qui se plaint sans arrêt dans l’espoir que vous lui consacriez beaucoup de temps, plus de temps qu’aux autres… cela lui donne l’impression d’être importante. Toutefois, elle peut aussi s’attirer les foudres de Grincheux, de Prof ou de vous-même. Ce qui répond contre toute attente à son besoin d’attention !
  • Le fait d’être une victime signifie aussi que tout le mal qui nous arrive est dû à notre persécuteur. C’est donc une bonne excuse pour ne pas reconnaître ses responsabilités, et pour ne pas changer. « Après tout, à quoi bon essayer de changer, vu que tous les problèmes viennent de l’autre ? »

Forcément, au fond d’elle la victime n’a pas toujours envie que la situation s’arrange…

Car si la situation s’arrangeait, cela voudrait dire que cette personne n’aurait plus l’attention dont elle bénéficie, elle n’aurait plus d’excuses pour justifier ses problèmes, et ne pourrait plus cacher sa « paresse » (la paresse de prendre ses responsabilités et de faire changer les choses)…

Une personne prête à tenir le rôle de victime cherche alors à attirer un sauveur, et appelle quelqu’un d’autre à être son persécuteur. L’entourage répondra ou non à cet appel. Si personne ne répond au rôle de persécuteur, celui-ci pourra toujours être imaginé : la météo, les transports, les politiques, la loi, les règlements…

Dans le rôle des victimes nous retrouverons des attitudes que j’explique dans certains de mes articles, comme l’attitude d’Atchoum, de Simplet, de Dormeur, de Timide, de Parano, de Dessinateur.

Les personnes tendance « Sauveur » :

L’intérêt du rôle de sauveur, c’est que c’est un rôle gratifiant. Il permet d’avoir une bonne image de soi-même. Et une bonne image auprès des autres.

Le truc, c’est que le sauveur, tout comme la victime, n’a pas intérêt à ce que la situation prenne fin et s’arrange… Car une fois la situation de persécution résolue, le sauveur n’a plus de raison d’exister… et la personne qui jouait ce rôle perd alors tous les avantages qu’elle tirait d’une telle situation…

Du coup, le sauveur est une personne qui semble faire de gros efforts pour aider la victime à résoudre le problème. Mais en réalité le sauveur ne tient pas inconsciemment à réussir, ce qui lui permet de continuer à être le sauveur…

Dans le cas où il se « permet » de réussir, c’est qu’il en tire un bénéfice PERSONNEL : son estime de soi et son image auprès des autres en ressortent grandies, par exemple.

Mais l’estime (de soi et des autres) n’est pas le seul bénéfice que le sauveur tire de ce jeu. Il a aussi la satisfaction que quelqu’un lui fasse confiance, et il se réjouit d’avoir quelqu’un qui dépend de lui, et d’avoir du contrôle sur lui…

Et c’est bien là le problème, le sauveur place la victime en incapacité : la victime ne pourrait soit-disant pas s’en sortir sans le sauveur…

Et comme aucun des deux ne voit un intérêt à ce que la situation s’arrange… celle-ci n’est pas prête de s’améliorer…

D’ailleurs, c’est ce qui fait toute la différence avec les personnes  « sauveteurs », comme les pompiers, les secouristes, ou encore les maîtres nageurs…

La différence, c’est que là où un sauveur dit « J’essaie » de t’aider, le sauveteur, lui, passe à l’action. Il n’essaie pas, il le fait…

Dans nos formations, on retrouve cette attitude chez beaucoup de formateurs qui essayent d’enseigner aux autres comment faire toute en faisant une petite rétention d’information involontaire, la plupart du temps, qui oblige l’autre à revenir sans cesse se former ! On retrouve aussi cette attitude chez certains stagiaires notamment ceux qui sont dans la posture de Prof, de Joyeux ou de Parleur.

Les personnes tendance « Persécuteur » ou « Bourreau » :

L’intérêt du rôle de persécuteur, c’est qu’il permet de se libérer de ses pulsions agressives sur quelqu’un d’autre, la victime.

Mais ce rôle peut aussi être un rôle imaginé par la victime et le sauveur, afin de justifier leurs existences respectives, et à défaut d’un vrai persécuteur… c’est une chose qui devient persécuteur ou un événement, par exemple une maladie, un handicap, une addiction (alcoolisme), etc.

Les personnes qui ont lu cet article ont aussi lu  Comment gérer Simplet dans vos formations

En tous cas, le persécuteur ne reste pas toujours le persécuteur… Il peut y avoir une redistribution des rôles lors d’un « coup de théâtre »…

Dans nos formations ce rôle du persécuteur peut être endossé par le formateur lui-même qui ne comprend pas que les autres ne savent pas, n’apprennent pas plus vite, ne comprennent rien malgré ses explications… Impatient, il a envie de faire bouger les autres, il les juge en général trop lents, trop mous, indisciplinés, irrespectueux, manquant d’écoute et/ou d’implication. Bien sûr nous retrouvons ce type d’attitude aussi chez les stagiaires, notamment chez Grincheux, Prof ou Joyeux dont l’impatience est légendaire.

image triangle de karpman formationdeformateurs.fr

Quelques astuces pour sortir du triangle de Karpman

Ce type de jeu est néfaste pour les individus et les relations. Il est donc important :
1. d’en prendre conscience
2. d’en sortir
3. de refuser toute proposition de rentrer dans ce type de relation

Maintenant que vous avez identifié votre penchant dans ce triangle dramatique (notamment grâce au cahier de Christel Petitcollin (dont je parle en fin d’article), nous allons voir quelques astuces pour vous en sortir suivant votre tendance !

Le formateur « persécuteur »

En tant que formateur, il est évident que certaines postures sont à éviter car elles n’apporteront rien de bien.

J’ai rencontré des formateurs qui sans s’en rendre compte (je l’espère pour eux!) endossent le rôle de persécuteur. En effet, ils sont impatients, ils fixent souvent des objectifs trop élevés aux stagiaires en ne tenant pas suffisamment compte de leur niveau. Je leur rappelle alors gentiment que si les gens viennent en formation c‘est qu’à priori ils ne savent pas ou viennent pour se perfectionner.

Il est nécessaire d’être dans la bienveillance même si certains comportements nous agacent.

Il est vrai que certains stagiaires (ou leur manager) peuvent penser avoir tel ou tel niveau avant de venir vous voir. Afin d’être certain du niveau de vos stagiaires, vous pouvez leur faire faire un bilan en début de formation.

Karpman Persécuteur formationdeformateurs.fr
 

Exemple : un formateur en allemand prépare un cours pour personnes avancées (donc non débutants et non experts). Il s’étonne en cours de route de voir que deux de ses stagiaires ne suivent pas, il s’acharne sur eux en leur demandant de faire plus d’efforts.

Une des personnes se met en position de victime en disant que ce n’est pas de sa faute car c’est son responsable hiérarchique qui lui a imposé cette formation. L’autre se met sur la défensive en devenant persécuteur et en expliquant au formateur que celui-ci est trop exigeant, pas suffisamment pédagogue, incompétent…

On aurait pu éviter d’entrer dans ce type de jeu en mettant en place un test de vérification de niveau au démarrage de la formation ! Le formateur aurait pu alors agir, soit en adaptant son cours, soit en proposant une formation pour un niveau intermédiaire, par exemple.

Par exemple, lorsque j’anime des formations en droit du travail, avant chaque grande partie, je propose un petit QCM ludique, cela me permet de vérifier le niveau de chaque participant et d’adapter ma pédagogie et mon contenu en fonction.

Si je vois que les gens sont bien informés nous allons creuser et aller plus loin. Au contraire, s’ils sont perdus nous allons revoir les bases.

Lorsque l’un de mes stagiaires a un niveau différent des autres, je prends plus de temps avec lui ou je me sers de ses compétences pour faire avancer le groupe.

Je n’ai pas toujours fait cela, au début, assez naïvement (je dois bien l’avouer) je me fiais à ce que me disais mon donneur d’ordre sur le niveau des stagiaires. Ma première session fut un désastre pour moi car au bout de la première moitié de la matinée j’ai compris que les gens étaient largués. Ils n’avaient pas du tout le niveau d’expertise décrit par mon donneur d’ordre. Heureusement, nous en avons discuté avec le groupe à la pause !

J’ai dû tout revoir en catastrophe et cela m’a procuré énormément de stress. Je me suis donc demandé ce que je pourrai faire pour que cela ne se reproduise pas. D’où les QCM !

Le formateur « sauveur » :

S’il y a une chose que j’ai comprise avec l’expérience c’est qu’on ne peut pas être motivé à la place des autres ni leur trouver des solutions qui ne viennent pas d’eux ou tout du moins auxquelles ils n’ont pas pleinement adhéré.

Et quand on est dans une posture de sauveur (revoir la vidéo ci-dessus du « oui mais ») cela peut devenir catastrophique d’essayer de trouver des solutions pour une personne qui de toute façon n’en veut pas (bien qu’elle dise souvent le contraire, la victime refusant de se responsabiliser). Vous devenez victime à votre tour d’une sorte de bourreau ! C’est le cercle vicieux du triangle de Karpman.

C’est le même problème dans beaucoup de métiers, que vous soyez manager, formateur ou autre.

Mettre l’autre face à ses responsabilités avec douceur et en posant juste une question vous évitera souvent de tomber dans le panneau d’endosser des responsabilités qui ne sont pas les vôtres. Votre client, votre stagiaire, votre collaborateur, votre manager a fait un choix, il s’avère que ce choix au final ne lui convient pas et ce n’est pas de votre faute puisque c’est SON choix, SA décision !

Pensez à demander à l’autre : « de quoi avez-vous besoin » ou « qu’attendez-vous de moi ? » plutôt que de tout prendre sur vos épaules. Je sais de quoi je parle, je lutte tous les jours pour ne pas tomber dans la position du sauveur car j’ai besoin de me sentir utile !

Le formateur « victime »

Il arrive bien souvent au formateur d’endosser le rôle de victime (sans qu’il s’en rende compte).

Par exemple, la salle n’est pas configurée correctement, il y a un poteau au mauvais endroit, le niveau des stagiaires est nul ou ne correspond pas à ce qu’on lui avait annoncé, il n’a pas trouvé l’entreprise car le plan était mauvais ou son GPS l’a mal orienté… Bref plein de bonnes raisons de râler ou de pleurer sur son sort. Sauf que cela brouille les pistes pour les stagiaires qui ne peuvent pas toujours endosser le rôle de sauveur même s’ils compatissent à vos problèmes.

Cela vous arrivera régulièrement de ne pas trouver la bonne adresse si vous n’avez pas pris le temps de regarder google map ou autre avant de partir. Prenez l’habitude de toujours noter le numéro de téléphone de l’entreprise dans votre agenda lorsque vous inscrivez votre rendez-vous. Si vous ne trouvez pas, appelez ou prévenez de votre retard et prenez toujours une marge en terme de temps pour les imprévus routiers !

Bref : anticipez et trouvez des solutions car elles ne peuvent venir que de vous !

karpman victime formationdeformateurs.fr

Mes petits conseils (qui n’engagent que moi!) :

Arrivez toujours à l’avance pour pouvoir préparer la salle. Vous éviterez ainsi les imprévus de configuration et de matériel, notamment si vous avez soigneusement préparé votre mallette de formateur comme je l’explique dans cet article.

En ce qui concerne le niveau des stagiaires, croyez-en mon expérience ne vous fiez jamais à ce que dit votre donneur d’ordre mais vérifiez-le par vous-même le jour J (mieux en amont en leur envoyant un questionnaire) soit par un tour de table, soit par un QCM, un test, des questions…

En conclusion, un conseil pour ne pas tomber dans le piège de la victime : anticipez et apprenez de vos erreurs en vous demandant toujours qu’elles sont les solutions à votre portée pour que ce que vous venez de vivre aujourd’hui ne se reproduise pas !

Pour aller plus loin sur le triangle de Karpman

Vous trouverez de nombreux sites internet ou de vidéos sur Youtube qui parlent du triangle de Karpman.

Je vous conseille un livre sympa car il est interactif, c’est en fait un petit cahier d’exercices qui vous donnera les outils dont vous avez vraiment besoin et vous permettra de déterminer dans quels pièges vous tombez.

Petit cahier d’exercices pour sortir du jeu : « victime, bourreau, sauveur » de Christel Petitcollin (19 novembre 2014)

A vous de jouer !

Dites moi dans les commentaires si cela vous est arrivé de tomber dans ce triangle de Karpman et/ou quelles sont vos astuces pour en sortir, éviter d’y tomber etc.

Nathalie

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2 réflexions sur « Comment sortir du triangle de Karpman en formation ? »

  1. Très pertinent et très complet.
    Cela met bien en avant, dans chaque cas, qu’il est important de prendre la distance nécessaire en formation. Énormément de facteurs ne sont pas sous notre contrôle. Les prendre comme des atteintes personnelles nous lancent directement dans ce genre de relations.

    Comme formateur persécuteur, je vois aussi le risque d’avoir quelqu’un dans le collimateur. Par peur ou manque de confiance, le premier qui se fait remarquer devient soudainement la cible à abattre.

    Merci pour ces conseils.

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